Rendre la justice

Alors que les lois sont objectivement déposées dans des Codes, alors que des faits et des actes ont cours dans le monde, le rôle du juge consiste, dans le prononcé de sa décision, à dire quelle est la vérité judiciaire.

Questions :

1. D'après vous, pourquoi est-il nécessaire de confier à des hommes de juger en quoi chaque situation singulière rentre dans le cadre général de la loi ?

2. Alors que l'intelligence artificielle offre des espoirs de soutien des hommes dans le domaine médical, comme par exemple pour l'établissement des diagnostics, pensez-vous qu'elle soit susceptible de rendre la justice ? Si cela dépend des cas, en vertu de quoi serait-ce parfois acceptable ou possible, et parfois inacceptable ou impossible ?

3. La décision du juge réalise la justice corrective, qu'Aristote définit ainsi, dans le livre V de l'Ethique à Nicomaque (trad. J.-F. Thurot) :

"[I]l importe peu que ce soit un homme considérable qui ait dépouillé d’une partie de ses biens quelque citoyen des dernières classes du peuple, ou que ce soit celui-ci qui ait fait tort à l’autre ; que ce soit l’un ou l’autre qui ait commis le crime d’adultère : la loi n’envisage, en pareil cas, que la différence des délits, et considère comme égaux à ses yeux celui qui commet l’injustice et celui qui la supporte, celui qui a causé le dommage et celui qui l’a souffert ; de sorte que le juge s’efforce de rétablir l’égalité altérée par cette injustice. En effet, lorsqu’un homme a été frappé, ou a perdu la vie, et qu’un autre lui a porté des coups, ou l’a tué, l’action de l’un et le dommage de l’autre se partagent, pour ainsi dire, en deux parts inégales ; et le juge, par l’amende ou la peine qu’il impose, cherche, en diminuant l’avantage de l’une des parties, à rétablir l’égalité entre elles."

• Prenez le symbole de la balance. Avant le délit ou le crime, d'après ce texte, comment sont les plateaux, si l'on imagine que l'une et l'autre partie sont chacune sur l'un d'entre eux ?
  
• Comment sont-ils après que le délit ou le crime a été commis ?
  
• En quoi consiste précisément le rôle du juge ? Après sa décision, comment doivent se trouver les deux plateaux de la balance ? Est-ce possible de parvenir à l'équilibre, si le juge prononce une peine qui est égale au délit ou au crime qui a été commis ? Qu'arriverait-il alors aux deux plateaux, si tel était le cas ?
  
• D'après cette analyse, pensez-vous que la victime éprouvera, pour elle-même, une satisfaction face à une sanction qui remet les plateaux à égalité et ne compense pas le crime ou le délit par une sanction de même poids ?
  
• Que répare la décision de justice : la victime, ou l'égalité ?
  

4. Selon vous, comment procède le juge pour prendre sa décision ? Faites plusieurs hypothèses quant au cheminement suivi. Échangez collectivement sur celles-ci.

5. Pensez-vous que l'intuition ait sa place dans le travail du juge ? Commencez par élaborer une réponse spontanée, puis :

• Analysez ce que signifie l'"intime conviction", en visionnant la première des deux vidéos suivantes.
  
• Recherchez, dans la seconde vidéo, les raisons évoquées pour établir le rôle premier de l'intuition dans le travail du juge. Cette intuition est-elle la même que celle dont nous pouvons faire preuve dans le cours ordinaire de nos existences : n'est-elle pas imprégnée du sens de la loi ?
  
• L'intuition est-elle un moyen d'établir la vérité judiciaire, ou bien un principe métajuridique en vertu duquel le juge n'a pas à rendre raison de son cheminement, mais seulement de sa décision, en des termes qui sont donc juridiques, et non épistémiques (ayant trait au cheminement intellectuel d'établissement de la conclusion) ?